Jean-Claude Piguet a déjà évoqué le mystère de la musique tout en se référant à Ernest Ansermet qui disait : « Il arrive un jour, dans toutes les histoires, où il est de nécessité impérieuse que les mystères s’éclaircissent » — et il ajoutait aussitôt — : « Percer un mystère, n’est pas le supprimer en tant que mystère » ; au contraire, pensait-il, « en approfondissant un mystère, on intensifie son caractère mystérieux »1. Ceci dit, le fait de résoudre le mystère musical par la musicologie ou l’ethnomusicologie, en procédant à toutes les démarches théoriques et pratiques, en utilisant toutes les stratégies et méthodes émanant de cette discipline scientifique et ses branches et sous branches, ne serait qu’un essai de compréhension. Faire des analyses musicales en faisant référence à des méthodes préétablies sans chercher la fonction et le contexte de la musique mise à l’épreuve, va certainement dénaturer le sens de cette musique analysée et va la rendre de plus en plus énigmatique. Chercher dans les macros et micros intervalles, dans les gammes, les tétracordes, les cadences, les ornements, les accords, les formes, en faisant appel à des théories musicales élaborées par nos prédécesseurs et en tenir compte avec une intégralité inlassable, serait peut-être une grave erreur épistémologique. Chercher dans l’acoustique du son musical, ne prouve jamais le sens du langage ou du discours musical. Entamer l’approche comparative ne peut jamais justifier le comparer ; pourquoi alors comparer une musique à une autre ? Cela ne veut aucunement dire que le fait de procéder à une telle démarche montre bien que cette musique n’a pas son propre sens et n’a pas une autonomie significative. Le procédé de la comparaison n’explique pas l’incompétence du maître chercheur en musique ou le musicologue. Parler de l’improvisation, de l’interprétation, de l’émotion du musicien interprète et de l’auditeur, évoquer la méthode dite tripartite dans sa démarche analytique, en séparant les trois niveaux – poïétique2, neutre et esthésique – cela ne veut-il pas dire qu’on a essayé de créer une discontinuité de la musique ? Cette musique qui était créée au départ, dans une continuité compositionnelle. Selon Yzhak Sadaï, l’analyse musicale échoue à mettre en évidence les particularités individuelles des œuvres. Elle n’y parvient pas, en effet, parce que ce n’est tout simplement pas son but3.
Scroll Up